Petites chroniques périgourdines

La surprenante histoire du Roc de Tayac

Roc Tayac (Les Eyzies de tayac)

Fermé pendant plus de 10 ans, le site a été ouvert pendant les fêtes le temps de quelques visites grâce à Marie Calonne, guide-conférencière passionnée du Périgord et des Eyzies. En effet, Marie s’est plu à jouer les pères Noël  pour les quelques privilégiés qui ont pu visiter le fort par groupe de 5 personnes, covid oblige, et découvrir ainsi l’histoire surprenante de Roc Tayac. Nous avons eu le plaisir de participer à une de ces visites.

Roc Tayac n’est sans doute pas l’abri troglodyte le plus renommé mais, son histoire, de la préhistoire au XXème siècle, mérite d’être racontée.

Roc de Tayac, au fil de l’histoire

Préhistoire

On n’a pas, semble t-il, de preuves d’une occupation de Roc de Tayac  lors de la préhistoire alors que les vestiges archéologiques trouvés, par exemple, à la Laugerie  Basse sont très nombreux. Mais, situé sur la rive droite de la Vézère entre l’abri Cro-Magnon et les grottes de l’enfer, à proximité immédiate de la Laugerie basse et de Laugerie Haute, il est fort probable que nos ancêtres de la préhistoire ait remarqué le lieu d’autant qu’il est situé à un emplacement stratégique qui permettait de contrôler la rivière et l’accès à la vallée.

 

Carte des Eyzies

Carte des Eyzies – ©D. Peyrony – Guide illustré du savant et du touriste : Les Eyzies et les environs, 1922.

Origine de la forteresse médiévale

Dès le haut moyen-âge, les falaises abritent des habitats troglodytiques. Au XIIème siècle, à Tayac, une quinzaine de moines occupent un prieuré qui dépendait de l’abbaye de Paunat. C’est également à cette époque qu’est construite l’église fortifiée de Tayac.

La paroisse de Tayac qui dépendait de la châtellenie de Bergerac passe aux mains, en 1322, de la famille Beynac. Les Beynac construisent alors deux places fortes  : le fort de Roc Tayac et la maison forte de Tayac.

Le fort de Tayac est un fort troglodytique qui dispose d’un droit de péage sur la rivière. On utilise la configuration de la falaise (abris en hauteur, cluzeaux, parois abruptes…)  pour en faire un abri imprenable. Un mur en maçonnerie s’appuie sur une avancée en surplomb pour finir de compléter la défense du lieu.

Roc de Tayac : avancée rocheuse au dessus de la route actuelle – ©MCweb.

Guerre de cent ans

La forteresse n’était sans doute pas complétement « inviolable » puisqu’elle passe rapidement aux mains des Anglais qui en avaient fait une tanière de voleurs.

En 1381, le seigneur de Beynac, avec l’appui des gens de Sarlat, tente, sans succès, de reprendre son bien. Les Anglais continuent incursions et pillages sur les terres de Sarlat ou de Montfort . En décembre 1408, Bonnebaut, lieutenant du connétable de France, assiège le Roc de Tayac avec l’appui des Sarladais qui fournissent hommes, armes et vivres. Le 10 janvier, les Français reprennent la forteresse après avoir affamé l’ennemi qui, depuis le début du siège, ne pouvait se ravitailler.

Après la guerre de cent ans, la région connaît d’autres conflits comme les guerres des religions, le fort de Tayac y a peut-être jouer un rôle mais aucun élément ne permet d’en faire état.

XIXème siècle

En fait, il faut attendre le XIXème siècle pour entendre parler à nouveau du Roc de Tayac. En cette fin de siècle, de nombreux érudits, amateurs éclairés ou habiles commerçants s’affairent sur les différents sites des Eyzies. Les fouilles et les découvertes permettent de mettre à jour de nombreux vestiges archéologiques qui font la renommée de la commune.

Edouard Lartet, paléontologue et père de la préhistoire moderne, est le découvreur avec l’anglais Christy de sites majeurs aux Eyzies (Le Moustier, La Laugerie basse, La Madeleine…). Dans Reliquiae Aquitanicae, il fait état de ses découvertes et mentionne le rôle du Roc de Tayac pendant la guerre de Cent ans. L’article est illustré par la gravure ci-dessous.

Gravure du Roc de Tayac de W. Tipping (1867).

En 1894, le révérend Sabine Baring-Gould, après un premier voyage aux Eyzies, fait une description précise du Roc de Tayac à l’abandon avec une illustration d’un des cluzeaux.

Cluzeau de Roc de Tayac : gravure de Sabine Baring-Gould

Cluzeau de Roc de Tayac : gravure de Sabine Baring-Gould

 

Un brin de folie pendant la Belle Epoque

En 1895, Gabriel Galou, découvreur du gouffre de Proumeyssac, achète Roc Tayac. Non seulement, il s’y installe avec sa femme et son fils mais il y installe une auberge nommée « l’auberge du Paradis ». Si l’accès au premier niveau se fait à peu près sans embûche, il faut déjà être plus agile pour atteindre le second niveau par une échelle de bois : imaginez les dames de l’époque avec leurs robes longues escaladant les quelques barreaux pour accéder au second étage. En effet, là,  il a installé un parquet sur la roche où sont disposées quelques tables et sur lequel les clients peuvent danser au son du phonographe.

Salle où Galou a installé un parquet (ed. Astruc)

Mais, rien n’arrête Galou car pour accéder aux cluzeaux situés à gauche des deux salles qui donnent sur la Vézère et sans accès depuis ces salles,  il installe sur le rebord de la falaise, surplombant la route et la rivière, une passerelle où seront également installées quelques tables.

Passerelle surplombant la route et la Vézère (Ed. Astruc).

Passerelle surplombant la route et la Vézère

Malgré les conditions de sécurité inimaginables aujourd’hui, l’auberge connaît un beau succès. Le tourisme connaît alors aux Eyzies un bel essor et l’auberge du Paradis profite de cet engouement.

XXème siècle : le musée de la spéléologie

Délaissé après la mort en 1916 de Galou, le Roc de Tayac est mis en vente devant le tribunal de Sarlat le 24 juin 1921. Il a été adjugé à Mr Amédée Faure, propriétaire des anciennes forges. Cependant, il faudra attendre de longues années pour que le Roc retrouve un peu d’activité.

En 1966, le Spéléo-Club de Périgueux installe à Roc de Tayac un musée de la spéléologie sous la houlette de Gilles Delluc, Pierre Vidal et Serge Avrilleau. Après trois ans de travaux, le musée ouvre ses portes en 1970. Minéraux et échantillons géologiques, galerie d’animaux vivant dans les cavernes, maquettes de cluzeau… permettent au visiteur de découvrir les merveilles du monde souterrain.

Le musée changera à plusieurs reprise de mains mais surtout sera victime de plusieurs cambriolages. En juillet 2005, il ferme définitivement ses portes pour cause de vandalisme.

XXIème siècle, de nouveaux défis pour Roc de Tayac

Après l’aventure du musée de la spéléologie, le site est mis en vente. Il sera acheté par Jean-Marc Touron, propriétaire de la Roque-Saint-Christophe, de la Maison Reignac et de Roc de Cazelle. Il effectue différents travaux et les consolidations nécessaires pour sécuriser le site, déblaie le puit où étaient entassés gravats et déchets divers… puis, c’est sur l’impulsion de Marie Calonne que le site retrouve des visiteurs.

Accueillir de nouveaux visiteurs, compléter l’aménagement, être connu et reconnu… voilà de belles perspectives pour Roc de Tayac !

Visite du Roc de Tayac

Finalement, c’est sur les pas de Denis Peyrony qui consacra son existence à la préhistoire et au patrimoine des Eyzies que nous allons visiter le fort de Roc de Tayac.

« Gravissons le sentier qui conduit à cet ancien fort; nous arrivons à une première salle ayant servi d’écurie, ainsi que l’attestent les auges et les anneaux creusés dans la pierre. Un puits, aujourd’hui comblé, permettait aux habitants de s’approvisionner d’eau sans sortir au dehors ».

Abreuvoirs taillés dans le roc -

Abreuvoirs taillés dans le roc – ©MCweb.

« Un escalier nous conduit sur la terrasse; on y remarque encore des restes de murs et du dallage en pierre ».

Reste de dallages et pisés au 1er étage de Roc de Tayac

Reste de dallages et pisés au 1er étage de Roc de Tayac – ©MCweb.

« Un autre escalier nous amène au troisième étage: c’est l’habitation des occupants, composée de trois salles creusées dans le roc au Moyen âge. Le mobilier, assorti aux appartements, donne à cette demeure un aspect pittoresque ».

Nous sommes là, à 25 mètres de hauteur. Deux autres salles, situées au même niveau, à 30 mètres au N.-O., communiquaient autrefois avec les précédentes par un balcon aujourd’hui disparu.

Roc de Tayac : les cluzeaux dans la falaise - ©MCweb.

Roc de Tayac : les cluzeaux dans la falaise – ©MCweb.

Voir aussi

Pour poursuivre la visite, consultez le très bel album en ligne de Gaby24 : http://perigord.roc-de-tayac.af24.fr/.

Et si vous aussi, vous souhaitez visiter le Roc de Tayac, consultez le site de Marie Calonne, Périgord noir de Marie : https://perigord-dordogne-visites.com/, pour être informé des prochaines visites ou randonnées qu’elle organisera sûrement en 2021.

Sources

BARING-GOULD S. – The deserts of Southern France : an introduction to the limestone and chalk plateaux of ancient Aquitaine / by S. Baring-Gould,… ; ill. by S. Hutton and F. D. Bedford… Baring-Gould, Sabine (1834-1924). p236-238. : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k102227p

BARING-GOULD S. – Cliff castles and cave dwellings of Europe / by S. Baring-Gould,… Baring-Gould, Sabine (1834-1924). : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1031268/

DELLUC B., DELLUC G. – Le Roc de Tayac ou restaurant du Paradis. Spéléo-Dordogne, n°69, 1978.

DELLUC G. – Le musée de la spéléologie aux Eyzies de Tayac : une aventure du spéléo-club de Périgueux (1966-2004). Spéléo-Dordogne, 174, 2016.

DUPINET-GIRODOU J. – Les Eyzies : Histoire d’un village de Cro-magnon en passant par Tayhttps://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k102227pac. Editions du Ver Luisant, 2012. p48-50

LAFOND J., GRELLETY J., DEBARD A., LA VILLE A. de. – Les Eyzies de Tayac – Sireuil : Rapport de Présentation. Zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager. Janvier 2008, 150 p.

LARTET E., CHRISTY H. – Reliquiae Aquitanicae, being contributions to the archaeology and palhttps://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k102227paeontology of Perigord and the adjoining provinces of southern France / by Edouard Lartet and Henry Christy ; edited by Thomas Rupert Jones, 1875. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k96169364

LES EYZIES : l’hôtel des gorges d’enfer de Mr GALOU. Blog « Cartes postales ancienne du Périgord Dordogne » : http://cartespostalesanciennesperigord.over-blog.com/article-25143604.html

PEYRONY D. – Guide illustré du savant et du touriste : Les Eyzies et les environs. Imprimerie G. Eyboulet et fils, 1922.

TARDE J. (1561-1636) – Les chroniques de Jean Tarde, chanoine théologal et vicaire général de Sarlat – http://auvergneancienne.free.fr/bibliotheque/bnf/chroniques.pdf

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