Petites chroniques périgourdines

Bastien et Baptiste sur les pas de Cro-Magnon : la grotte de Bara-Bahau

Entrée de la grotte de Bara-Bahau au Bugue (24

L’intérêt pour la préhistoire commence très tôt. Nous l’avons découvert aux dernières vacances avec nos petits-fils toulousains, Bastien (4 ans et demi) et Baptiste (3 ans).

Bastien, naturellement curieux, a une passion pour Thomas Pesquet, les galaxies, les fusées et Ariane, ça, c’est son côté toulousain sans doute. Mais, il est également très attiré par la préhistoire et Cro-Magnon en particulier et à coup sûr, c’est à ses origines périgourdines qu’il le doit… et naturellement, il partage ses coups de cœur avec son petit frère qui n’a alors qu’une envie, visiter une grotte.

Pour répondre à cet intérêt, nous sommes donc partis avec eux sur les traces de Cro-magnon  avec la visite de la grotte de Bara-Bahau au Bugue. A l’annonce de cette première visite, nos deux bambins étaient tout excités et le nom même « Bara-Bahau » semblait une promesse…

La grotte de Bara-Bahau

Mais, avant d’entamer la visite, essayons d’en savoir un plus plus sur cette caverne. La grotte de Bara-Bahau n’est sans doute pas la plus prestigieuse et la plus connue des grottes ornées du Périgord mais elle est largement ouverte au public et ce sont les gravures authentiques que l’on peut y voir. Elle tire son nom de l’Occitan local qui signifie « patatras » ou « badaboum » en référence aux éboulis et blocs effondrés.

Situé à flanc d’un coteau de 115 m d’altitude, la grotte de Bara-Bahau domine la petite ville du Bugue. On y accède par un petit chemin ou par un escalier aménagé dans le coteau.  L’entrée de la grotte est constituée d’un large porche orienté sud-est fermé par un mur où sont installées la billetterie et la partie « accueil » de la grotte.

Du proche d’entrée, on accède à une première grande et haute galerie de 100 m de long et 12 m de large puis un passage bas (à l’origine) du à une remontée du sol permet d’atteindre une deuxième salle où se trouvent les gravures.

Plan de la grotte de Bara Bahau - ©Relevé topograhique A. Deschamps et J.P. Pouxviel dans l'Atlas des grottes ornées, 1984, p. 94.

Plan de la grotte de Bara Bahau – © Relevé topograhique A. Deschamps et J.P. Pouxviel dans l’Atlas des grottes ornées, 1984, p. 94.

Un peu d’histoire

En avril 1951, sur invitation du président du syndicat d’initiative du Bugue,  le spéléologue Norbert Casteret accompagné de son fils Raoul et de sa fille Maud explorent la partie la plus inaccessible de la grotte. Dans cette deuxième salle, allongée sur le sol, Maud Casteret reconnait sur les parois des gravures pariétales, un cheval et une vache. Ce jour-là, elle identifie 16 gravures d’animaux.

Au mois d’août de la même année, l’abbé Henri Breuil, préhistorien de renommée internationale, authentifie les gravures : « L’authenticité quaternaire des figures ornant la paroi gauche que j’y contemplai était indiscutable. La paroi de calcaire marneux décomposé en argile et noyauté de rognons de silex était la moins propre du monde à recevoir des images ; pourtant avec le doigt ou un bâton en bois, toute la surface était labourée de sillons, de hachures, de ponctuations dont beaucoup s’agençaient en figures de quadrupèdes de bonne dimension ».

En 1955, l’abbé André Glory, disciple de l’abbé Breuil, en charge des relevés de Lascaux depuis 1952, s’installe au Bugue pour étudier les ornements de la grotte de Bara Bahau. Pendant plus de deux mois, il effectue des relevés et décalque les contours des gravures sur des feuilles de cellophane appliquées sur du plexiglass.

L'abbé André Glory en train de faire des relevés dans la grotte de Bara Bahau

L’abbé André Glory en train de faire des relevés dans la grotte de Bara Bahau – Archives A. Glory, 1955.

Il a ainsi dénombré une trentaine de gravures mais, en raison des difficultés à identifier les bêtes entières, il ne retiendra que 18 sujets. Son travail toutefois ne fait pas consensus : la méthode utilisée n’est pas adaptée en raison de la configuration de la paroi et  il semble qu’il ait reconnu des figures animales là où il n’y avait que quelques traits ou signes.

Frise des gravures dessinée par l'abbé André Glory.

Frise des gravures dessinée par l’abbé André Glory.

L’étude géologique de la grotte est confiée au père Fréderic-Marie Bergounioux, paléontologue et géologue au laboratoire de géologie de l’Institut catholique de Toulouse. Il effectue plusieurs sondages dont un de plus de 20 mètres de profondeur. Ses recherches lui permettent d’identifier 2 stades clés :

  • pendant le miocène, des sédiments abandonnés par une rivière souterraine remplissent progressivement la salle antérieure,
  • pendant le post aurignacien, des hommes ont occupé l’abri sous roche mais les éboulements intérieurs et extérieurs de la grotte les en ont chassés. On y retrouve quelques outils, notamment des lames. Des ossements d’ours des cavernes ainsi que de nombreuses griffures sur les parois de la grotte attestent d’une occupation animale antérieure aux gravures.

Un peu plus tard, la grotte fait l’objet de nouvelles études : notamment, celle d’André Leroi-Gourhan en vue de la publication en 1965 de Préhistoire de l’art occidental et celle de P. Leonardi en 1978-1979 qui a fourni une description des animaux.

Brigitte et Gilles Delluc, préhistoriens et chercheurs au CNRS, vont reprendre l’étude de la grotte de Bara Bahau. En 1986 et 1987, ils relèvent l’ensemble des figures, signes et griffures de la grotte. Ce travail leur permet d’éliminer certaines figures animales relevées par André Glory et leur permet de découvrir un grand cheval de plus de 2 mètres gravé sur le niveau inférieur. En parallèle, Francis Guichard procède à une nouvelle étude spéléologique de la grotte.

Datation de la grotte

Juste après la découverte de la grotte, Henri Breuil et André Glory ont attribué, en raison de leur aspect rudimentaire, les gravures au paléolithique supérieur tandis qu’ André Leroi-Gourhan  les attribuait plutôt au magdalénien. Cette datation plus tardive fait aujourd’hui consensus et  a été confirmé par l’étude de la grotte par Brigitte et Gilles Delluc.

Les gravures de Bara Bahau

Les figures sont visibles sur le plafond de la deuxième salle sur une zone de 12 m de long sur 5 m de hauteur. Au nombre de 26, elles sont  gravées  sur 3 niveaux superposés avec 18 représentations d’animaux (équidés, aurochs, bisons, ours…) et 8 signes plus abstraits (signes quadrangulaires et pentagonals…).

Aménagement de la grotte

La grotte de Bara bahau a ouvert au public le 18 mai 1956. Le site est classé Monument historique le 20 avril 1961. Des aménagements,  un nivellement général de la grotte et un abaissement du sol à proximité des gravures, permettent une visite sécurisée de la grotte.

Notre visite à Bara Bahau

Revenons, après cette présentation de la grotte, à notre visite avec Bastien et Baptiste. Fin février, il fait très beau et doux pour la saison. La sieste est écourtée et nous voilà partis tous les quatre pour le Bugue. Les garçons sont excités à l’idée de visiter leur première grotte.

Arrivés sur place, le parking est quasiment vide, manifestement, malgré les vacances, les touristes sont rares. Nous prenons l’escalier pour arriver à l’entrée de la grotte et là, nous trouvons porte close car une visite est en cours, il nous faudra attendre un peu pour découvrir la grotte.

Après un temps d’attente qui nous a permis de faire goûter les enfants, notre guide arrive et nous propose de démarrer la visite car nous sommes les seuls visiteurs sur ce créneau. Dans la salle d’accueil, on sent un peu d’appréhension chez les garçons mais ils attendent avec impatience l’entrée dans la grotte.

Bastien et Baptiste devant la porte qui mène à la grotte

Bastien et Baptiste devant la porte qui mène à la grotte – ©MCweb

La visite démarre dans la première salle où sont exposées quelques outils retrouvés lors des fouilles. Les garçons sont surtout sont intéressés par la petite chauve-souris qui dort, la tête en bas, au dessus d’une vitrine.

Nous cheminons au travers des roches pour arriver dans la salle des gravures. Notre guide s’adapte au mieux à un public très jeune et elle est régulièrement interrompue par Baptiste qui, un peu inquiet, se demande où est l’ours des cavernes.

Dans la salle des gravure, ils sont tous les deux près de nous car il y a peu de lumière, les gravures sont éclairées par la lampe torche de notre pilote. A l’aide d’un pointeur, elle nous montre le tracé des différentes figures. Je suis toujours impressionnée quand je suis devant des témoignages aussi anciens mais il faut bien reconnaître qu’il est difficile pour des enfant aussi jeunes de repérer les figures. Bastien semble néanmoins très intéressé tandis que Baptiste, au désespoir de notre accompagnatrice, commente à haute voix sa propre perception de la grotte.

Ils sont à nouveau fortement mobilisés quand elle nous montre les griffures d’ours et lorsque nous retournons dans la première salle pour mieux examiner les vitrines d’outils, les outils de Cro Magnon… Après un dernier coup d’œil à la petite chauve-souris, notre visite se termine et nous retrouvons, un peu éblouis, le plein soleil de cet après-midi de février.

Bara bahau n’est sans doute pas la grotte la plus adaptée pour des jeunes enfants car la lecture des gravures n’est pas évidente y compris pour les adultes mais nos petits-fils ont été vraiment impressionnés par leur première grotte.

Dans les jours qui suivent, nous entendrons souvent parler de Bara Bahau et Bastien a interprété pour nous les gravures de la grotte.

Sources

 

2 Commentaires

  1. Terreaux

    Encore bravo pour ce très intéressant compte -rendu de visite !

    Répondre
    1. admin24 (Auteur de l'article)

      Merci pour ces encouragements ! 🙂

      Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.